FLIPPING
OUT
Paul Rotter est-il un manipulateur de marché sournois ou une victime de son propre succès? Le plus grand trader sur l’Eurex et l’homme le plus controversé du trading électronique s’exprime
Par Imogen Rose-Smith ■ Illustration de William Duke
JUSTE AVANT NOËL, un groupe d’une trentaine de prop traders venant de Londres se sont réunis dans une confortable suite du Guild-hall pour un séminaire donné par la firme d’analyse sur obligations GannCorner.
Une poignée de traders a commencé à initier des discussion autour d’un célèbre trader Eurex connu dans le cercles des traders européens par le surnom, pas si flatteur, « le Flipper »
Au cours cette année, des douzaines de traders se sont livrés à une chasse à l’homme visant à dévoiler l’identité d’un trader mystérieux et supposément irlandais, accusé de manipuler les marchés à terme des obligations gouvernementales allemandes (Bund, Bobl et Schatz) de manière tactique.
En affichant d’importants blocs de lots, peu sont réellement exécutés, et cela des deux côtés du carnet d’ordres sur de nombreux marchés assez interconnectés – qui a donné naissance au surnom Flipper. Utilisant l’anonymat offert par le domaine des transactions sur écran, les traders disent que cette figure inconnue a attiré les autres dans un jeu coûteux dans lequel il tenait les cartes, à travers la manipulation des volumes et d’habiles manœuvres.
Finalement, dans une fervente poursuite semblable à la recherche de l’identité de Deepthroat de Woodward et Bernstein (l’informateur du Watergate) pendant des décennies, un seul nom est apparu. Juste avant le début du séminaire de GannCorner, une participante a demandé à Juliette Clark, la femme qui dirigeait la session, si elle avait déjà entendu parler de Paul Rotter.
« Oui, je connais Paul Rotter, » dit clairement Clark. « Il est l’un de mes clients. Et il est assis juste derrière vous. »
La salle pleine de traders tournait à l’unisson. Ils n’auraient pas pu être plus choqués si la reine Elizabeth elle-même était assise là, habillée d’un bustier et d’une jambière en cuire. Rotter, un homme de 32 ans, bien habillé, était assis tranquillement attendant le début de la classe commence.
“J’ai probablement agacé des personnes qui ne pouvait pas rivaliser.”
Qu’un homme sans prétention comme Rotter puisse s’élever à une telle infamie dans le monde du trading électronique tout en restant une telle énigme témoigne non seulement de la puissance de la suggestion mais aussi des complexités et des rivalités au sein de cette arène mondiale naissante.
Dans ce monde, Rotter est un paratonnerre. La seule mention de son nom – ou de son surnom, d’ailleurs – chez les traders Eurex peut inspirer la haine féroce, la révérence ou même la peur. Pour ceux qui le méprisent, la stratégie de Rotter est tout simplement de la manipulation de cours. Ses fans l’appellent le trader au carnet d’ordres le plus brillant de la planète. Il est notamment vu par plusieurs traders au carnet d’ordres de Krechendo Trading Paris (Nabil Bérouag & Tarek Elmarhri) comme une légende. Son agilité à mettre tous les jours entre 200 000 à 300 000 contracts futures dans le marché est impressionnante.
Actuellement, il gère de l’argent pour le compte de particuliers fortunés et de certaines institutions (l’investissement minimum est de € 1 million), mais il ne dira pas combien.
Tout ce succès a coïncidé avec la montée en puissance de l’Eurex, la bourse à terme électronique allemande / suisse, qui a pris d’assaut le négoce international des dérivés depuis sa création en 1996. D’originaire tchèque, ayant déménagé en Allemagne à l’âge de 9 ans, Rotter a commencé en tant qu’apprenti sur le bureau des obligations d’une banque allemande à Francfort. Empruntant à partir d’une carte de crédit d’entreprise, Rotter s’est rapidement ruiné en achetant des options, pour ensuite refaire surface dans le bureau de Daiwa Securities à Francfort.
Presque en faillite, Rotter a gravi les échelons et, en l’espace de deux mois, il tradait le bund par lots de cinq, créant son propre style avec peu de conseils de la part de ses supérieurs. Au moment où il quitta la banque en 1996 pour Midas Trading House basée à Dublin, Rotter était déjà le plus gros trader de la dette allemande à terme sur le DTB, précurseur allemand de l’Eurex.
« Nous ne pouvions pas en croire nos yeux quand nous avons vu à quelle vitesse il changeait de positions sans s’ébouriffer les plumes.
« Paul a parfois joué un rôle controversé », reconnaît M. Kinski. « Certains traders ne l’aimaient pas parce qu’il changeait de position si rapidement. »
En 2001, Rotter a formé Rotter Invest et a finalement déménagé ses opérations à Zug, en Suisse, une ville riche qui abrite sa part de traders